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Posté le 20 septembre 2012 - par Mehin
Hassan al Banna – Constat et réforme
1. Les Égyptiens, noyé dans des problèmes sociaux profonds et tiraillés par les influences culturelles étrangères, n’ont plus confiance en eux-mêmes et en leurs valeurs. Une mentalité de victimes s’est développée dans les esprits des individus qui ne se considèrent plus comme des sujets de l’histoire et encore moins comme des agents porteurs d’un message universel adressé à toute l’humanité. Personnalité touchée, affectivité blessée, le problème de la société égyptienne est celui de toutes les identités qu’aucune fierté n’habite, qu’aucune dignité n’éveille, qu’aucun sens ne motive. Le mal est à l’intérieur et a atteint le cœur.
2. L’ignorance de leur propre identité est la chose la mieux répandue chez les Égyptiens. Les gens du peuple, pour la plupart, ne savent rien, ou presque, de la religion : ils la pratiquent par héritage ou imitation mais n’en connaissent souvent pas même les principes élémentaires. Il est impossible, si l’on tient compte du mal qui ronge les coeurs, de présenter l’islam comme l’ont toujours fait les auteurs classiques depuis des siècles avec une armature conceptuelle et théorique extrêmement rigide. Non seulement il faut donc apprendre au peuple les fondements de son appartenance religieuse et culturelle à l’islam, mais encore il est de première nécessité d’en revoir les modes de présentation afin de les adapter à l’époque…
3. Dans cet état de faiblesse, la tentation de l’imitation était réelle et, à l’époque, elle pouvait emprunter deux voix. La première est de se laisser emporter par les conceptions modernistes avec le lot des séductions véhiculées par le mode de vie occidental et de délaisser l’islam et ses enseignements. C’est la voie prise par de nombreux intellectuels et politiciens égyptiens, baignés dans des études et des comportements venus d’ailleurs, qui ne considèrent le salut du pays que dans l’assimilation aux « valeurs du vainqueur ». Al-Banna leur adressera les mêmes critiques que celles qu’avaient adressées en leur temps al-Afghani, ?Abduh ou Ibn Badis aux franjiyyin, leur reprochant leur ignorance de leurs références et d’eux-mêmes. Avec la même force il s’en prendra à cette autre imitation frileuse des anciens, protégée et armée par un formalisme vide perpétuant les longs siècles du taqlid dont se sont plaints tous les réformistes. La bonne compréhension de l’islam ouvre le chemin d’une troisième voie par laquelle le monde musulman, conscient et fort de ses références universelles, fait la part des choses et établit des choix, des sélections dans l’apport des autres civilisations.
4. C’est encore cet état de faiblesse et d’ignorance qui donne leur force à ces confréries soufies qui ne cessent de se multiplier en Égypte. Perturbé dans les affaires de sa vie quotidienne, on en vient à désirer s’éloigner du monde et à trouver dans la structure confrérique le réconfort et la paix. On sait combien al-Banna était amoureux de la méditation et de la spiritualité, mais ce qu’il conçoit ici comme un danger, c’est une spiritualité-refuge, une spiritualité associée à la passivité, qui, de plus, accompagnée par une méconnaissance de l’islam, finit par être séduite par n’importe quel discours de shuyukh se présentant comme des saints (ou étant considérés comme tels) et qui ajoutent d’innombrables innovations religieuses (bida’) dans leurs rites et leurs actions. Ce type de spiritualité-passivité, de spiritualité-enfermement, est l’un des risques majeurs encouru dans une société déchirée, sans repères, et au sein de laquelle les intimités ne trouvent aucune sérénité.
Hassan al Banna
Al-Banna, dans le même article, appellera les savants à « écrire pour les esprits avec lesquels ils vivent, comme l’ont fait nos prédécesseurs » et il s’efforcera lui-même d’user d’un langage simple et d’une présentation nouvelle, adaptée à son époque, qui motive les intelligences après avoir réveillé les cœurs.